6 jours sur le vélo + 1 jour de repos
Dist. 276 km
Den. 1641 m
Avez-vous déjà entendu parler de l’île de Haida Gwaii ? A nous, ce nom ne disait rien. Jusqu’à ce que mon cousin Thibaut, de Vancouver, me suggère d’aller y jeter un oeil (ou plutôt quelques coups de pédales).
Située à 93 miles nautiques au large de la Colombie Britannique, cette petite île, autrefois connue sous le nom de Queen Charlotte Islands, bénéficie d’un climat tempéré parfait pour l’épanouissement d’une forêt tropicale unique au monde et inattendue sous ces froides latitudes, ainsi que d’anciens villages de First Nations.
On y accède en ferry au départ de Prince Rupert pour 40$ par personne et 5$ pour un vélo (pour les horaires, c’est par ici https://www.bcferries.com/schedules/inside/qci.php).
La traversée dure environ 8h et croise le détroit d’Hecate et ses forts courants maritimes, avant de débarquer à Skidegate.
Haida Gwaii se compose en réalité de deux îles: l’île du sud, Moresby Island et l’île du Nord, Graham Island.
Moresby Island fait l’objet d’une protection particulière de son patrimoine environnemental et culturel et est essentiellement accessible par bateau ou tour privé… hors budget pour nous. Nous nous contenterons donc de visiter Graham Island qui promet à elle seule de jolies découvertes.
Arrivés a Skidegate, nous ne perdons pas de temps et roulons 5km vers l’ouest, en direction de la petite ville de Queen Charlotte, où se trouve le campground le plus proche. L’endroit, tenu par un vieux marin à la longue barbe grise, semble un peu laissé à l’abandon. Nous trouvons néanmoins un carré d’herbe où poser notre tente et je ferme les yeux pour ne pas voir les centaines d’araignées qui se sont arrogés les lieux.
Au matin, le ciel, menaçant la veille, laisse entrevoir des morceaux de bleu, et de gros nuages vaporeux glissent sur la mer avant de disparaître tout à fait. La journée s’annonce belle, c’est parti pour la première étape.
The Balance Rock
Jour 1 : Queen Charlotte – Tlell (45 km)
La route longe la cote pendant 45 kilomètres de plat, qui nous laisse tout le temps d’admirer le paysage. En repassant par Skidegate, il ne faut pas faire l’impasse des nombreux totems, témoins de la forte identité des natifs de l’île. Un peu plus loin, nouvelle halte propice à s’interroger sur les lois de la physique avec le fameux « rocher en équilibre » qui nargue ses voisin sur cette plage de galets léchée par les vagues. Nous débusquons un spot parfait pour le déjeuner, avec des petits bancs et vue sur la mer. L’arrivée se fait au campground de Misty Meadows, calé sous les pins à quelques mètres seulement de la plage qui offre une jolie petite balade par les dunes en cette fin de journée.
Jour 2 : Tlell – Port Clément (21 km)
Pour la deuxième étape le lendemain, nous avons choisi ne faire que 25k pour rejoindre Port Clement en fin d’après-midi. Cela nous laisse le temps de commencer la journée par une marche de 2h, partant du campement pour suivre la rivière jusqu’à son embouchure, dont le point d’arrivé est la vieille épave d’un ancien navire ayant servis au commerce de bois. La marche nous conduit à travers une magnifique forêt de pins, recouverts de mousse et de lichen. De la rive du court d’eau, il est possible d’observer les loutres jouer, nager et pêcher.
Nous arrivons au Sunset Park campground de Port Clément en fin d’après-midi. Celui-ci ce situe sur les bord du Masset Inlet, un bras de mer alimenté par plusieurs rivières dont la plus large est la rivière Yakoun. Ce bassin et ses affluents sont d’une importance capitale pour les communautés d’Haida et servent de refuge à une myriade d’oiseaux et de poissons, notamment de saumons et truites.
L’épave du Pesuta – Tlell, Haida Gwaii
Jour 3 : Port Clément – Masset (45 km)
La route s’étire, un peu monotone, en une succession de montées et de descentes peu élevées. De temps en temps, nous repérons des chevreuils cachés dans les hautes herbes ou s’enfuyant dans les chemins adjacents.
La pluie nous surprend à Masset et nous oblige à prendre refuge dans le camping le plus proche.
Jour 4 : Masset – Tow Hill (23 km)
Le soleil est de retour en ce quatrième jour sur l’île et nous pédalons vers la partie la plus au nord, Tow Hill. En chemin, nous débusquons l’endroit parfait pour une pause café: le bus coloré et éphémère de Moon Over Naikoon, qui en plus de boissons chaudes, offre un panel de pains, pâtisseries, gâteaux, muffins, scones, croissants et autres délices plus affriolants les uns que les autres.
Une quinzaine de kilomètres plus loin, l’asphalte fait place à un large chemin de terre qui dessert de petites maisons côtière et nombreuses maisons d’hôtes, puis s’enfonce dans la forêt, toujours parallèle à la mer, avant de déboucher sur la plage de Agathe Beach et son campground, ouvert sur l’océan.
Plusieurs départs de randonnées sont à noter aux alentours dont l’un permet de rallier sur plusieurs jours l’extrême pointe nord de l’île, Cape Fife.
Nous nous contentons de marcher le long de la rivière Hiellen et de grimper vers le point de vue au sommet de Tow Hill, qui découvre le territoire de Naikoon et ses rivières, ses forêts, ses marais, ses dunes de sable et ses longues plages. Cet espace abrite un grand nombre de sites culturels et spirituels d’importance, ainsi que des villages historiques et de nombreuses zones de collecte de nourritures (baies, herbes, fruits de mer…)
Moon over Naikoon Bakery
Jour 5 : Tow Hill – Port Clément (67 km)
Il n’existe pas d’autres routes qui permettraient de rejoindre l’autre côté de l’île à partir de Tow Hill, et ainsi boucler la boucle de la péninsule nord. Il faut donc repartir en sens inverse pour rejoindre Port Clément. Emprunter la même route n’est cependant pas aussi ennuyeux que l’on pourrait croire, tout semble différent en sens inverse.
Jour 6 : Repos
Il pleut. De retour au camping de Port Clément, nous restons donc à l’abris sous la tente, et élaborons notre itinéraire du lendemain.
Nous faisons la rencontre de Jane, voyageuse à vélo comme nous et écoutons l’histoire du Golden Spruce, de la bouche d’un vieil homme habitant du village :
C’est l’histoire d’un arbre, un pin magnifique qu’une rare mutation génétique avait créé avec des aiguilles d’une couleur dorée irréelle. Cet arbre Kiidk’yaas avait poussé le long de la rivière Yakoun et était sacré pour les habitants de Haida. Un mythe raconte en effet qu’un jeune garçon et son grand-père étaient dans la foret pendant une tempête. Le grand-père ordonna au garçon « Ne te retourne pas, rien ne sera plus jamais comme avant ». Mais le garçon désobéit. Aussitôt il se transforma en arbre. L’histoire nous apprend à respecter la nature et la sagesse des anciens.
En 1997, un ingénieur sans emploi de l’industrie du bois, Grant Hadwin, coupa Kiidk’yaas, puis s’enfuit. Tout le Canada s’indigna de l’affaire, et il fut convoqué pour être jugé à Port Clément. Hadwin décida de se présenter à son procès sur Haida Gwaii en traversant le détroit d’Hécate en kayak. Il n’arriva jamais. Certains pensent qu’il est mort en mer, mais beaucoup restent convaincus qu’il a orchestré sa fuite vers l’Alaska pour échapper à la justice.
Jour 7 : Port Clement – Skidegate (75 km)
Levés et prêts à partir sous un ciel nuageux, nous décidons au dernier moment de réaliser un détour pour aller voir les restes du Golden Spruce, situés à 4 kilomètres. Cette petite bifurcation nous fait totalement changer d’itinéraire et nous poursuivons par la route forestière. Pédaler au milieu des pins immenses, avec cette petite odeur de terre et de mousse humide, sans un bruit sinon celui des rivières, est une expérience unique. Le trafic y est quasi nul, nous ne croiserons aucun camion de l’industrie du bois en ce dimanche. En revanche, un couple nous donnera une belle leçon de cueillette de champignons !
Nous rejoignons finalement Skidegate en fin d’après-midi, juste à temps pour attraper le prochain ferry pour Prince Rupert.